Le Mur est tombé
Ce matin, l'élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis me rappelle cette phrase qu'il avait prononcée devant nous, Européens, à la Siegessäule (la "colonne de la Victoire"!) à Berlin : "Les murs ne peuvent plus tenir", avait-il affirmé. C'était il y a quatre mois, presque jour pour jour. La métaphore semblait facile, entendue. Il l'appliquait aux Etats-Unis et à l'Europe, "les races, les tribus, les autochtones, les immigrants", les religions aussi. Hier soir, après l'annonce de son élection, il l'a étendue à l'ensemble du monde. Les Murs sont tombés. C'est historique. C'est une émotion infinie que de figurer le souffle d'espoir qui parcourt ce matin la surface de la planète.
Paradoxalement, l'Allemagne est, en Europe, le pays que cette élection touchera le moins. D'abord parce qu'il est celui qui, sous l'ère Bush, était le plus proche de l'administration américaine. Depuis son élection à la chancellerie, Angela Merkel s'était efforcée de rétablir le dialogue. Elle était devenue l'interlocutrice privilégiée du "président le plus mauvais de l'histoire des Etats-Unis" (selon les Allemands, d'après un sondage réalisé en août). Pour preuve : W a choisi l'Allemagne comme première étape de sa tournée d'adieu en Europe. Difficile pour l'Allemagne d'approfondir encore davantage un dialogue avec les Etats-Unis déjà très intense.
La première question en Allemagne, c'est finalement de savoir si le dialogue Allemagne/Etats-Unis ne souffrira pas du changement de président. Sur ce plan-là, Angela Merkel a montré ces derniers mois qu'elle pensait souvent à sa réélection l'an prochain. Et l'élection d'un John McCain, conservateur comme elle, aurait mieux fait son affaire. Plutôt qu'un Barack Obama, qui prépare le terrain du changement, ce qui pourrait lui coûter la majorité. La prudence (exagérée?) de la chancelière allemande avait provoqué un incident diplomatique sur le lieu de son discours à Berlin. Angela Merkel s'était en effet opposée à ce qu'Obama s'exprime depuis la porte de Brandebourg, sous prétexte que le lieu hautement symbolique était réservé aux présidents élus. Obama se souviendra-t-il de ce bâton dans les roues lorsqu'il s'agira d'ouvrir le dialogue avec l'Europe ?
Une chose est certaine : Angela Merkel ne pourra pas se priver d'un allié aussi populaire que Barack Obama (plus de 200.000 spectateurs à son discours de Berlin en juillet et 62% des Allemands en sa faveur) pour gagner l'an prochain la campagne des images. La nuit dernière, le Mur est tombé. Elle devra en prendre la mesure.
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