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07 mars 2007

De femme à femme


L'expression était facile, comme une perche tendue. Plus d'un journal allemand a paraphrasé ce matin l'expression "d'homme à homme" ("von Mann zu Mann") pour la féminiser. Ça donne "Von Frau zu Frau". Facile, oui. Mais pour la première fois, la France rencontrait hier après-midi l'Allemagne à travers deux femmes : la chancelière Angela Merkel et la candidate à la présidence Ségolène Royal. L'image de ce couple inédit a de quoi marquer les esprits. A côté, la photo de Kohl et Mitterrand se tenant la main à Verdun, il y a 23 ans, passerait presque pour de l'histoire ancienne.
Comme elle n'est qu'une candidate, Ségolène Royal ne fait pas l'objet de grandes analyses dans la presse de ce matin —plutôt des articles assez courts qui citent la socialiste lorsqu'elle parle de sa "complicité" avec la chancelière—, mais la photo fait toutes les unes, y compris celle du très sérieux Süddeutsche Zeitung. Parce qu'elle est marquante. Parce que les Allemands ont désormais intégré l'idée qu'une femme était "capable" de diriger un "grand" pays. Parce que Ségolène Royal remporte leur sympathie, bien plus que Nicolas Sarkozy. Plus encore que les Français, ils se méfient de "l'homme qui a fait exploser les banlieues parisiennes" (son terme de "Kärcher" résonne comme un mot terriblement lourd de sens en Allemagne). Sur le blog de ma collègue Claire-Lise, la citation d'une Berlinoise est révélatrice quand on lui demande ce qu'elle connaît des candidats à l'Elysée : "Il y a Ségolène Royal... Et le petit, là...".
Pour les Allemands, Nicolas Sarkozy, c'est "le petit", celui qu'on n'aimerait pas trop voir grandir. Sans caricaturer, il rappelle trop la façon dont un certain Führer est arrivé au pouvoir. Pour les Allemands toujours, Ségolène Royal incarne effectivement le changement dont elle se targue, même si son programme est encore extrêmement confus sur les questions européennes pour ceux d'entre eux (rares) qui se sont réellement penchés sur la question. Ça les rassure de voir, comme elle le confiait au Monde lundi, que c'est Jacques Delors qui la conseille en la matière. Quant à François Bayrou, il est tout bonnement inexistant. L'outsider de l'extrême droite, qui avait créé la surprise en arrivant au second tour en 2002, les Allemands s'en souviennent par contre très bien. Ça ne les aide pas à mieux comprendre comment fonctionnent la France et ses élections, mais ils pensent que le danger est toujours là. Pendant qu'il agite son "appel aux maires" pour revenir sur la scène médiatique, ils savent que sa cote de popularité grimpe discrètement, auprès de tous les désabusés des grands partis.
Pendant ce temps-là, Ségolène et Angela discutent de femme à femme, pour préparer l'avenir de l'Europe en tentant de résoudre le casse-tête constitutionnel et institutionnel, et préparer la présidence française de l'Union dans le cas où Madame Royal serait élue.

Photo : Reuters
(Quand une photo n'est pas de moi, je le signale)

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