Suivez-moi, pour découvrir au jour le jour ce qui bouge à Berlin. www.pierregirard.fr für ein paar Wörter auf deutsch / pou dé trwa mo an kréyòl / for some information in english

15 mai 2007

Leur première fois


Ça y est. Nicolas Sarkozy gravira demain, officiellement, sa dernière marche. Il enfilera les habits de président, récupérera la valise nucléaire et les clés de l'Elysée, et recontrera dans la soirée sa partenaire numéro un : la chancelière Angela Merkel. Un moment attendu à Berlin, puisqu'il doit permettre de répondre à un certain nombre de questions essentielles : Nicolas Sarkozy est-il vraiment plus petit qu'Angela Merkel avec ses talonnettes ? Vont-ils se tutoyer comme la chancelière l'a fait avec Jacques Chirac il y a deux semaines ? Le nouveau président a-t-il profité de ses vacances à Malte pour apprendre l'anglais ou, mieux, l'allemand ? Mais surtout, à quoi ressemblera "l'axe franco-allemand" souhaité par Nicolas Sarkozy et quelle sera leur politique pour bâtir les nouvelles institutions européennes d'ici à 2009 ?
Le tout premier dossier auquel s’attaquera le nouveau président français avec Angela Merkel est en effet celui du traité constitutionnel. L’accord conclu avec Jacques Chirac lors de la rencontre à Rheinsberg et le calendrier des présidences tournantes du Conseil de l’Union européenne l’impose : la chancelière allemande doit, le mois prochain, proposer sa « feuille de route » avant de passer le relais. En clair, elle doit annoncer une solution « clé en main » qui permettra à l’Europe de se doter de « nouvelles bases institutionnelles communes » avant l’élection des députés européens de 2009. La France, qui présidera l’Union au deuxième semestre de 2008, devra y apporter la touche finale.
Pour dépasser le « non » français au traité instituant une Constitution pour l’Europe, Nicolas Sarkozy présentait la solution la plus simple : un « mini-traité », rebaptisé « traité simplifié », qui sera voté par le Parlement. Les Français ne seront pas consultés par référendum —« car ça ne s’appelle plus Constitution », justifie le nouveau président— et le risque d’un nouveau rejet est donc écarté. Une solution plus rapide et moins hasardeuse que « l’Europe par la preuve » souhaitée par Ségolène Royal, qui imposait l’ajout d’un volet social et annonçait son intention de le soumettre à l’approbation des Français par un nouveau référendum. L’élection de Nicolas Sarkozy est donc accueillie avec soulagement par Berlin.
Tout doit aller très vite. Le nouveau président de la République estime que le débat a déjà eu lieu. Le texte « simplifié » (sans la partie trois, qui était la plus contestée) devrait être proposé rapidement au Parlement et, logiquement, ratifié. L’objectif annoncé par Angela Merkel devrait être respecté sans surprise et les nouvelles institutions de l’Union pourraient fonctionner dès 2009. Une réussite qui doit permettre d’asseoir à nouveau l’autorité du couple franco-allemand parmi les Vingt-sept et de ramener la France à la table de l’Europe.
Lors de sa campagne participative et au contact de son équipe de campagne composée de partisans du « oui » et de partisans du « non » à la Constitution européenne, Ségolène Royal avait remarqué que le ras-le-bol exprimé par les Français lors du référendum de 2005 signifiait le refus d’une Europe trop lointaine et sourde à ses citoyens. Une Europe qui leur échappe. Ce constat l’avait poussée à proposer de « construire l’Europe par la preuve ». Elle voulait rénover l’Union en démontrant son intérêt aux Français et en mettant « rapidement en place des politiques communes ambitieuses » dont ils pourraient constater les conséquences positives immédiatement. Ceci notamment dans les domaines de l’énergie, de l’environnement, de l’innovation et des services publics.
Cette vision à long terme, dont l’issue était certes moins certaine et moins immédiate que celle de Nicolas Sarkozy, devait redonner durablement aux citoyens le goût de l’Europe. Le rejet d'une certaine idée de l'Europe exprimée par les Français, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy devront l'entendre, s'ils ne veulent pas prendre le risque d'un nouveau "non" lorsqu'il s'agira de passer à l'étape suivante de la construction européenne. C’est cette dynamique humaine qui pourrait manquer, à terme, au nouveau couple Merkel-Sarkozy pour alimenter le moteur franco-allemand de l’Europe, déjà bien essoufflé.

Libellés :